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Libération
Critique

Gueule de bois démocratique.

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Le danger encouru par la démocratie post-totalitaire tient moins à la dictature du marché qu'à sa propre insignifiance.
publié le 28 février 2002 à 22h26

Après la débâcle historique des régimes se réclamant plus ou moins du communisme, la démocratie encourt-elle, raisonnablement, des risques totalitaires? La question paraît saugrenue, et pourtant Jean-Pierre Le Goff la pose pour démonter les arguments des antimondialistes, contempteurs de la «dictature du marché» et pour, en même temps, avancer son propre diagnostic sur l'état de santé démocratique, inquiétant à ses yeux. Aussi peut-il arriver que sa plaidoirie prenne des accents pessimistes que même les adversaires du «moins mauvais des régimes» pourraient trouver excessifs. En effet, la Démocratie post-totalitaire se révèle un livre désespéré et utile sur la modernisation, ou, si l'on veut, utile parce que désespéré. Le constat d'insignifiance de notre société et de la vie démocratique qui la sous-tend, loin de pousser à baisser les bras, se veut un appel volontaire au sens, voire au bon sens, ce dont nos contemporains semblent, selon Jean-Pierre Le Goff, singulièrement dépourvus. Qu'on ne cherche pas ici ­ prévient ce sociologue que ne rebute pas l'interrogation philosophique ­ une expertise plus ou moins scientifique, mais plutôt le «recul réflexif» d'une quête des raisons anciennes et des nouveaux moyens du vivre ensemble.

Livre critique, la Démocratie post-totalitaire est avant une critique de livres et d'auteurs. Dans un premier mouvement, Hannah Arendt et Claude Lefort sont mis à contribution pour dégager les caractéristiques du phénomène totalitaire, et ainsi, isoler