Londres de notre correspondant
Au 19, Princelet Street, la cloche sonne dans le vide. Sur la façade, à mi-hauteur, se détache une bobine métallique, emblème des tisserands huguenots qui peuplaient le quartier de Whitechapel jusqu'au milieu du XIXe siècle. Plus tard, certains ont voulu voir dans cette enseigne décharnée l'évocation d'un rouleau de la Torah, accroché comme une lampe pour éclairer le monde.
Il n'y a plus aujourd'hui ni bruit de métier à tisser, ni chant de prière. Mais une cuisine au sous-sol, visible à travers un soupirail, révèle un endroit encore habité. Des verres sèchent près d'un lavabo. Sur une fenêtre du rez-de-chaussée, masquée par un rideau sombre, une notice indique que «le bâtiment ne peut être ouvert en permanence car il est en péril». Suivent un numéro de téléphone et une adresse Internet (1). Le lendemain, la porte s'entrouvre sur rendez-vous. Un coffre-fort encombre un couloir plongé dans une demi-pénombre. «Il est là depuis très longtemps. Nous y enfermons ceux qui refusent de laisser un don», blague Philip Black, l'un des gardiens des lieux. L'ancienne synagogue, qui, depuis vingt ans, peine à se transformer en musée de l'Immigration, ne fait pas payer l'entrée et ne se laisse parcourir qu'une dizaine de jours par an (2). «La dernière fois, plus de 700 personnes sont venues», se souvient Philip Black avec émotion. Le reste du temps, l'édifice, recouvert de poussière, retombe dans son sommeil. Ses maîtres le traitent comme un grand malade et, de