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Libération
Critique

L'espoir qui venait du froid

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Par le philosophe Michel Onfray, un travail de deuil du père dans les glaces septentrionales.
publié le 14 mars 2002 à 22h35

Michel Onfray est allé au pôle Nord comme on va vers l'enfance: pour communier avec son père dans l'amour révolté qu'il lui porte. Ce père est d'hiver et il a quelque chose de pierreux. Il était ouvrier agricole en Normandie: un homme de terre et de fer, exploité par d'autres hommes. Sa vie entière, il a enduré, sans jamais se plaindre, sous l'oeil admiratif et rageur du fils: la révolte d'Onfray est une impossible consolation. Son hédonisme suradjectivé, son enthousiasme narcissique et sans sobriété, le font passer à côté des bons livres qu'il pourrait écrire. Mais cet échec a du panache: il rappelle le regard qu'un gamin porta, il y a trente ans, sur son géniteur magnifique et cassé.

Le philosophe en colère a décrit le corps de cet homme au travail, en 1992, dans un beau texte qu'il republie aujourd'hui en «coda» de son Esthétique du pôle Nord. Cette nouvelle publication n'est pas une facilité pour remplir un volume. Elle donne le sens affectif du voyage effectué, le sens du livre sous le livre: Onfray effectue un travail de deuil; il recherche, dans la glace septentrionale, la paix d'un fils qui ne se résout pas à imaginer la mort de son père, et qui n'en finit pas de lui rendre justice.

Jamais ce père n'avait pris l'avion, mais, cloué au sol, il avait un rêve, l'un de ces rêves que l'on regarde passer avec ces mécaniques oies sauvages, ces oies de fer qui laissent dans le ciel les traces gazeuses des pays lointains. Il rêvait d'aller au pôle Nord. Le fils lui a offert ce v