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Libération
Critique

La balle aux prisonniers

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Pour payer le tribut de l'homme libre à ceux qui ne le sont plus, Philippe Claudel a enseigné en prison.
publié le 14 mars 2002 à 22h35

Philippe Claudel, 40 ans, a enseigné en prison comme beaucoup d'écrivains. Il l'a fait pendant des années, régulièrement, dans l'est de le France. Pourquoi? Par mauvaise conscience, d'abord. La réponse apparaît page 46, quand il raconte la visite aux détenus d'un autre écrivain et scénariste à succès, Didier Decoin, un jour, pendant une heure: «L'adaptation télévisée du Comte de Monte-Cristo avait, semble-t-il, fait de lui un spécialiste de la carcéralité. En tout cas, il le croyait. Et puis aussi, motivant sa venue, le principe de la bonne action, celui également de la bonne conscience. (...) Le vieux fond, en somme. Moi-même, que suis-je venu faire en prison pendant si longtemps, sinon acheter à crédit ma part de sommeil du juste?»

Le Bruit des trousseaux rembourse donc une partie des traites: celles qu'un homme libre pense devoir à ceux qui ne le sont plus. La règle de Claudel était de ne jamais prendre partie dans les affaires des détenus ­ sauf une fois, où il a écrit une lettre «susceptible d'être produite en cour d'assises par l'avocat de la défense». Mais il s'en veut: «Depuis ce jour, non pas tous les jours, mais assez souvent tout de même, je pense, sans avoir jamais connu ses traits, au visage de la victime, qui ouvre ses yeux et sa bouche à la lecture de ma lettre devant la cour et les jurés.»

Claudel est écrivain et c'est en écrivain qu'il rend à ce monde (détenus, gardiens, familles) ce qui lui est dû: avec des mots. Il décante son expérience en brefs paragraphes