Naples envoyé spécial.
Maurizio Braucci est napolitain de la manière la plus évidente et la plus inattendue. Tout chez lui semble affaire de vérité. Braucci est vrai et poétique comme le chiot un peu bâtard qui ne le lâche ni du nez, ni des yeux, dans le chaos de la foule. Il impressionne aussi, lui tout fluet et doux, montant et descendant les escaliers du bâtiment qu'il a occupé avec un groupe d'habitants de son quartier en 1995, pour un faire un centre social autogéré, le DAMM (Diego Armando Maradona Montesanto). Comme son premier roman, la Mer détraquée, Braucci est pathétique et léger, près de la source de la vie et de la mort, généreux et intransigeant, caressant de mots amoureux les fragilités de sa ville, ses fissures exposées, ses fêlures refoulées. La Mer détraquée est sans aucun doute le grand roman de la Naples d'aujourd'hui comme La mer ne baigne pas Naples d'Anna-Maria Ortese l'avait été de celle d'hier. Né en 1966, Braucci a été étudiant en sciences économiques, «la maîtrise était un dogme dans une famille modeste comme la mienne, en vue d'obtenir un travail. Mais j'ai été, jusqu'à tout récemment, tous les jours et pendant des années, formateur dans une prison à une heure de car de Naples.»
On aurait pu traduire Il mare guasto par la mer abîmée, gâchée, cassée pour mieux filer la métaphore du titre: «Il mare guasto, dit Braucci, est une expression des pêcheurs de Livourne pour dire que la mer étant démontée, on ne peut pas sortir du port. J'avais lu un livre de