Ça commence plus mal que ça ne finit, par la chute d'un handicapé dans des escalators et qui se retourne pour dire à son père: «Tu peux me suivre de loin si tu te sens gêné. Ne t'en fais pas pour moi.» Et, de fait, malgré le minimalisme et le tranchant du style, on se sent un peu gêné par ce début pathétique en caméra au poing. Pourtant, il s'agit bien d'un roman et non d'une autobiographie à proprement parler (même si le fils de Pontiggia est en effet atteint de «tétraparésie spastique dystonique»), ou plus précisément d'une autobiographie qui ne serait pas une autofiction, au sens où elle laisse la place, comme chez les classiques, à des digressions intellectuelles qui, au lieu de resserrer le sujet autour de son seul nombril, donnent à son expérience une portée universelle: ici, l'idée que l'infirmité n'est pas une exception mais fait partie intégrante de la condition humaine parce que «l'évolution de la société a été plus rapide que celle de l'espèce» et que, d'une façon ou d'une autre, nous sommes tous des inadaptés. Il faut regarder l'handicapé «non pas avec commisération ni comme un être différent, mais avec solidarité, comme un compagnon de voyage, certainement défavorisé à l'égard de certains handicaps, mais dont l'expérience n'est pas étrangère à la nôtre» (1).
Chaque chapitre est composé comme une sorte d'apologue liant l'exemple à la réflexion. Passées la découverte et l'acceptation de la maladie (non sans culpabilité), s'enchaînent les récits de différentes cons