Naples envoyé spécial
«Vedi Napoli e poi muori»: la ville est si belle qu'il ne reste au visiteur qu'à mettre un terme à sa vie. Virgile et Leopardi ont suivi l'injonction. Mais, le plus souvent, les écrivains napolitains partent vers le nord pour exister. Non que l'exil fasse toujours les bons livres, mais parce que la ville semble ne pas aimer ses auteurs. Elle se déteste dans le miroir qu'ils lui tendent. Il y a une tradition de pensée napolitaine (Vico, Croce...). Le bon peuple, en revanche, serait tout à ses danses et tarentelles, à son théâtre et ses polichinelles. Ce n'est pas un hasard si les faveurs sont allées au poète Salvatore di Giacomo ou à des acteurs tels Toto. La part de la littérature est restée congrue, comme si les Napolitains, toutes classes confondues, s'en foutaient un peu qu'on leur raconte ce qu'ils considèrent connaître mieux que quiconque. Jusqu'à il y a peu, la langue nationale a fonctionné comme un bon support pour l'exportation de récits et d'intrigues napolitains, ne suscitant, pour cela même, que peu d'attention de la part des lecteurs du cru. Le différend va s'atténuant, depuis que le napolitain se voit relégué dans le folklore et que l'italien s'ouvre davantage au métissage. Surtout, la classique division entre le peuple et la bourgeoisie, autant idéologique que matérielle, n'aide plus à comprendre Naples, ville désormais «normale», homologuée par la globalisation. N'empêche, on ne trouve nulle part en Europe une foule si compacte , une jeune