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Libération
Critique

Petites scènes africaines

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Voyageur et conteur, Gianni Celati n'est pas arrivé en Afrique avec la science infuse, mais avec l'autodérision de celui qui ne sait s'il est écrivain, touriste ou anthropologue.
publié le 21 mars 2002 à 22h39
(mis à jour le 21 mars 2002 à 22h39)

Avant de mourir, l'écrivain britannique Bruce Chatwin se demandait au bout du monde, n'importe lequel pourvu que le début et la fin s'y rejoignent: «Qu'est-ce que je fais là?» Tout voyageur conscient de son ignorance se pose la question et l'écrivain italien Gianni Celati, parti en 1997 en Afrique de l'Ouest, du Mali au Sénégal, ne fait pas exception. Dès son arrivée, il constate: «En arrivant à l'aéroport de Bamako, hier, deux heures trente du matin, j'ai cessé de comprendre ce qui se passait.»

Ne rien comprendre, sinon qu'on ne comprend rien, est un bon début pour un voyage. Cela donne en tout cas le sens de ce remarquable journal. Celati, à l'époque, vient d'achever un ouvrage sur la vallée du Pô, Vers l'embouchure (non traduit). Ce grand conteur y écrit sa déambulation, les histoires recueillies, et cette savante incapacité qui l'incite, devant la réalité, à se faire modeste et précis, en sachant qu'il est finalement impossible de représenter. Par exemple, il n'est jamais parvenu, dans cette vallée, à décrire une station d'essence. Ses Aventures en Afrique, qu'il a fini par publier «pour gagner un peu d'argent», sont marquées du même sceau: celui de Giacometti. «Giacometti ne parvenait pas à sculpter ou à peindre une tête, explique-t-il, et cette découverte fut une révolution: il nous a enseigné à abandonner les concepts, les discours, qui permettent de dire n'importe quoi.»

Celati ne veut pas se prendre pour un écrivain en voyage. En retravaillant le texte, il a effacé le