Difficile pour les Français, qui parlent grosso modo la même langue de Metz à Rouen et de Lille à Toulon, d'imaginer qu'un nombre non négligeable d'auteurs italiens, et parmi eux certains des plus intéressants (le Sicilien Consolo, les Napolitains De Luca et Montesano), pratiquent à l'écrit ce que les Italiens pratiquent tous les jours à l'oral: ils mêlent à l'italien le dialecte de leur région.
C'est loin d'être une nouveauté: les plus grands (Gadda, Pavese, Pasolini) l'ont fait au cours du XXe siècle. Mais, depuis quelques années, on voit le dialecte apparaître de plus en plus fréquemment chez des auteurs comme le Sicilien Camilleri, le Calabro-Albanais Abate ou le Sarde Fois. Avec plus ou moins de bonheur bien sûr: le dialecte est parfois un procédé ou un gadget. «En dehors de quelques exceptions comme Vincenzo Consolo ou Erri de Luca, il y a beaucoup de bluff», affirme Jean-Paul Manganaro.
Quoi qu'il en soit, cet afflux du dialecte dans les romans récents est aussi évident que surprenant. «La langue italienne a peu évolué depuis le Moyen Age, avance Nathalie Bauer. Pour la faire bouger, les jeunes auteurs utilisent les mots et les rythmes des dialectes, mais aussi de l'anglais.» Et puis, ajoute Serge Quadruppani, «il ne faut pas oublier que le dialecte tient lieu de niveau familier de la langue, en l'absence d'un argot unifié».
A partir de là, reste à traduire. Quand un texte joue de la juxtaposition du romain, du piémontais ou du sicilien avec l'italien, comment le faire p