La grandeur d'une pensée se mesure assurément à ce que nul, quelle que soit sa destination, ne peut éviter de la croiser, d'y séjourner un jour ou une vie entière, de l'habiter en apprenti, en colon ou en parasite, d'y faire sa moisson ou d'y planter ses propres graines, d'en détruire les paysages ou d'en faire ressortir la splendeur. Immense doit alors être considérée en ce siècle celle de Martin Heidegger, puisque rares sont les philosophes qui, au risque de s'y piquer, n'aient été contraints de s'y frotter. Mais la «réception» de Heidegger n'a pas manqué, cycliquement, d'être surdéterminée par la question des relations de l'homme et du penseur avec le nazisme. Les lectures se sont dès lors exacerbées et exaspérées, celles des uns voulant éteindre le feu de la pensée sous les cendres de l'égarement politique, celles des autres tentant de lui préserver sa «pureté superbe» en réduisant à un simple faux pas l'engagement de l'année 1933. Aussi verra-t-on une réelle «avancée» dans le fait que Bernard Sichère, philosophe et romancier, refuse ces «positions» tranchées, et, en promettant de «ne rien fuir ni ne céder sur rien», pose la nécessité actuelle d'une confrontation avec Heidegger, reprise au «point brûlant» où la génération philosophique précédente a donné le meilleur d'elle-même. Ce «point brûlant», autour duquel tournent plus ou moins explicitement et sur des modes différents les pensées de Foucault, de Deleuze, de Lévinas, de Lacan ou de Derrida, c'est «la grande explic
Critique
Heidegger qui êtes aux cieux
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publié le 11 avril 2002 à 23h00
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