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Libération
Critique

Le suicide de tante Odette

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Danièle Sallenave célèbre la mémoire des êtres aimés : hommage sociologique.
publié le 11 avril 2002 à 22h59

Et si c'était tout simplement la mort, qui faisait que le nouveau livre de Danièle Sallenave ne lâche plus après qu'on l'a entamé ? Ce n'est pas l'emploi du passé simple, temps devenu ingrat, ni une beauté particulière de la phrase, qui nous retiendrait spécialement. «On m'annonça la mort d'Odette par téléphone, un soir de novembre 1987», puis une longue parenthèse suit : «(ou 86 ? Déjà je ne sais plus, j'essaie de trouver des repères, je sais que mon ami François, m'ayant appelée juste après, s'étonna de ma voix affligée [...])». Il y aura souvent ce genre d'hésitation sur le millésime, l'écriture étant chargée de la mise au clair. Si la chronologie avait été ordonnée avant, il n'y aurait pas eu lieu d'écrire. Du moins, l'auteur entretient chez ses lecteurs cette idée, ou cette illusion, que le texte précipite l'élucidation. A propos du suicide de la tante Odette, il revient à la nièce, seulement à la fin du livre, qu'«elle m'annonça qu'elle allait mourir avant la fin de l'année».

La succession de cinq prénoms, dans les premières pages, est un gage de proximité. Ils sont donnés avec un rien de snobisme, avec un faux air de journal intime. Brouillée avec François, en deuil d'Odette, et de Pierre, rencontré pour la dernière fois un jour qu'elle était avec Jean-Pascal, furieuse contre Cyril qui lui a menti : rien que des ruptures, égrenées par une femme qui nous prend à témoin comme on le fait entre gens qui s'entendent. Les confidences sont authentifiées par le label «récit».