«Ce que vous écrirez sera la vérité.» Ainsi Lillian Hellman rassurait ses collègues de Broadway Albert et Frances Hackett. Elle en savait quelque chose, qui toute sa vie mit en pratique l'adage selon lequel «la possession constitue neuf dixièmes de la loi.» Plus que pour sa réputation contemporaine aujourd'hui élimée de «grande dramaturge américaine», Hellman restera surtout dans l'histoire pour s'être approprié Dashiell Hammett : son corps (brièvement), sa vie (passionnément), son oeuvre (et l'argent de l'oeuvre). Si la correspondance publiée aujourd'hui a quelque valeur, c'est de montrer à quel point la Yoko Ono du polar a été aidée dans son entreprise par Hammett lui-même. Il y a une fascinante symétrie dans l'osmose qui se produit entre les deux, pas du tout à sens unique comme préfèrent le croire les fans, qui ne voient en elle qu'un vampire, et en lui que le stoïque, le bel indifférent, et le buveur «stylé». Ironiquement, c'est surtout à Hellman qu'on doit cette image «éditée».
Hammett était aussi un grand frigide émotionnel qui n'exprimait d'affection qu'à distance, justement dans les lettres. Il faut les lire en se disant que ces «mon petit chou», «darling» et autres ne veulent pas dire grand-chose. C'est encore plus vrai en ce qui concerne ses sentiments pour Hellman, ce qui explique qu'elle ait gardé ces «preuves d'amour», même si on la soupçonne d'avoir détruit celles qui ne l'arrangeaient pas. Durant leur vie si peu commune, elle a passionnément voulu recevoir ces