Menu
Libération
Critique

Elle est belle, la France

Article réservé aux abonnés
Marcel Aymé s'y entendait pour peindre la faune moisie d'un pays étriqué. Publication de l'intégrale de ses nouvelles.
publié le 25 avril 2002 à 23h10

La France malade de la peur fournit une bonne occasion de lire les nouvelles de Marcel Aymé. Elles étaient disponibles dans la collection «Folio», ou dans les trois tomes des oeuvres romanesques complètes de La Pléiade, dont le dernier a été publié l'an dernier. Leur publication intégrale, dans l'ordre de parution souvent dans des journaux, avec une chronologie et sans commentaires, en révèle l'inquiétante pertinence : Aymé, quand il va vite, est au meilleur de sa lucidité et de son inactuelle actualité.

L'écrivain a trouvé son ton presque d'emblée. De 1929, date de la première nouvelle publiée, à 1967, année de la dernière et de sa mort, il enchante la moisissure d'un pays étriqué, misérable et souffrant ; d'un monde avant tout composé d'hommes durs et haineux, de paysans égoïstes, d'ouvriers miséreux, de petits-bourgeois, d'adultes cruels ou inattentifs envers les enfants et les bêtes, d'êtres satisfaits qui se racontent des histoires sur eux-mêmes ou les autres. Il ouvre une fenêtre de mots dans notre maison murée. Deux phrases, tirées des «Deux Victimes» (1933), résument ce viol précis du conformisme par l'imagination : «M. Vachelin fut tenté par le Diable un matin qu'il prenait son petit déjeuner sous la tonnelle du jardin. Tout en déjeunant, il faisait son examen de bonne conscience ; comme d'habitude, ses pensées étaient bonnes, et ses actions conformes à ses pensées.» Le diable est son fils : ce jeune bourgeois utilise l'argent de ses études pour s'offrir des femmes q