Menu
Libération
Critique

L'envers du Vercors

Article réservé aux abonnés
Surtout connu pour «le Silence de la mer», Jean Bruller, alias Vercors, pratiqua avec un beau sens du raccourci un art qu'on n'appelait pas encore bande dessinée.
publié le 25 avril 2002 à 23h10

Toujours politiquement correcte, l'éternité a préféré aux contorsions tragi-comiques de Jean Bruller le masque plus rigide, mais exemplaire et digne, de Vercors, le pseudonyme sous lequel cet auteur abondant est resté pour beaucoup celui d'une mince plaquette au titre fascinant, le Silence de la mer. Il n'est pas inutile de rappeler le travail insolite et pionnier qui précéda Vercors, de même que celui qui prolongea brillamment le passage éclair de cette comète.

Né le 26 février 1902 à Paris, fils d'un libraire-éditeur hongrois, le jeune Bruller fait des études d'ingénieur chimiste tout en cultivant un goût immodéré pour le dessin. Avant même d'obtenir son diplôme, il collabore à des revues satiriques ­ Sans-gêne, le Rire, Fantasio ­ et, en 1926, publie à compte d'auteur son premier album, 21 recettes pratiques de mort violente. L'ouvrage se compose d'une série de recettes graphiques pour en finir après un chagrin amoureux. Il récidive l'année suivante avec Hypothèse sur les amateurs de peinture à l'état latent, où il démontre que telle ou telle complexion prédispose à aimer un peintre plutôt qu'un autre. Difficile à suivre, le jeune artiste ne doit qu'à son graphisme souple, très expressif, d'être remarqué par les amateurs.

Entre 1932 et 1938, il se livre, sous le titre générique de la Danse des vivants, à une série de 160 estampes satiriques sur le monde moderne, publiées sous forme de cahiers. S'y révèle de façon éclatante la leçon de son maître, Gus Bofa (1885-1968), l'enl