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Libération

L'oisiveté par Hesse

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publié le 25 avril 2002 à 23h10

En épigraphe de ce recueil de textes brefs, essais et fictions, il y a deux phrases de Hermann Hesse lui-même : «Si je n'étais pas au fond un homme extrêmement laborieux, comment aurais-je eu l'idée d'inventer des éloges et des théories sur l'oisiveté ? Les oisifs-nés, ceux qui ont le génie de l'inaction, ne font jamais ce genre de choses.» «Je n'ai aucun talent pour le bonheur que représente l'inaction», dit plus loin le narrateur de Zinnias. Hermann Hesse sait bien qu'il entre dans le paradoxe propre à tout prosélyte de la paresse : c'est une cause qui réclame des efforts pour être bien défendue. Ce qui n'a pas empêché divers écrivains de s'y atteler. Il y a la fameuse épitaphe que Rivarol s'était lui-même composée : «La paresse nous l'avait ravi avant la mort.» Musset cite quatre vers de Mathurin Régnier, «De l'immortel Molière immortel devancier», en tête de Sur la paresse : «Oui, j'écris rarement et me plais de le faire :/ Non pas que la paresse en moi soit ordinaire ;/ Mais, sitôt que je prends la plume à ce dessein,/ Je crois prendre en galère une rame à la main.» Et Musset conclut son poème en s'adressant à un «ami» et en espérant désormais «Que vous vous guérirez du soin que vous prenez/ De me venir toujours jeter ma lyre au nez». En tête d'Une apologie des oisifs (traduit chez Allia), Stevenson cite ce dialogue entre Samuel Johnson et son biographe : «Boswell : "L'oisiveté engendre l'ennui." Johnson : "Si fait, Monsieur, parce que les autres sont occupés, de sorte