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Libération
Critique

Est-ce toi, Marguerite ?

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Un recueil d'entretiens pour retrouver le timbre inimitable d'une diva.
publié le 2 mai 2002 à 23h19

Marguerite Yourcenar sortit de l'ombre en 1951 par le truchement du monologue d'Hadrien, son double impérial et le complice à la fois de son ambition et de sa souffrance. Hadrien dont la voix, qui résonnait de façon très sensuelle à l'oreille du lecteur, n'était autre, bien sûr, que celle de sa créatrice, sentencieuse, hautaine et pourtant familière, malicieuse et tranchante. Tous ceux qui l'entendirent, à l'orée des années 70, s'épancher, sur France Culture, au micro de Patrick de Rosbo, se laissèrent gagner par la texture d'un organe à la fois emphatique et roublard, d'une pomposité parfois proche du grotesque, mais qui vous enivrait.

C'est ce timbre qui se dévoile progressivement au fil des vingt-deux entretiens rassemblés, de 1952 à 1987, c'est-à-dire tout au long de la voie royale ouverte à la divine Marguerite par le succès de Mémoires d'Hadrien. En recevant le prix Femina-Vacaresco, la jusque-là très marginale auteure d'un Pindare et d'un livre sur les rêves, exilée en Amérique où elle survécut en donnant des cours de littérature dans une institution privée de la côte Est, entre majestueusement sur la scène littéraire parisienne. Et, dès sa première interview, accordée aux Nouvelles littéraires, elle entend bien camper ce personnage devenu aujourd'hui légendaire, mais qu'à l'époque le moindre faux pas eût peut-être fait basculer dans le ridicule achevé.

Aussi l'auteur avisé du Coup de grâce prend-il bien soin de mentir sur ses origines ­ elle prétend être née à Lille, a