Oui, «comment tuer un homme» ? Comment se débarrasser d'un personnage quand on en est écrivain et qu'on estime en avoir fini avec lui ? Ce roman est le troisième livre traduit en français de Carlo Gébler, né à Dublin en 1954, après le Onzième Eté (éditions des Cendres) et Exorcisme (Phébus). Il commence sur une sorte de manifeste esthétique : «Au fond, tous les récits sont des histoires de meurtre. Certains, épiques, mettent en scène des généraux, des champs de bataille, des régiments de cavalerie et d'infanterie, cependant que d'autres, modestes, ordinaires, dépeignent deux hommes dans une ruelle, leurs pistolets fourrés dans la poche arrière. Mais dans chaque cas la victoire se mesure toujours de la même façon : le plus grand assassin l'emporte.» On crée un homme de toutes pièces, juste avec des mots, et on finit par en avoir fini avec lui sans pistolet, les mots ont suffi à l'épuiser, c'est toujours l'écrivain qui l'emporte.
Comment tuer un homme est l'histoire, dans l'Irlande du XIXe siècle, d'un régisseur qui veut diminuer «le droit du tenancier» et s'attire la haine cruelle de la société des «ribbonistes» opposée aux propriétaires. Mourra-t-il, celui qu'on devine le héros de ce roman ? Certainement pas de la façon qu'on imagine. Alfred Hitchcock déclare à François Truffaut, dans leur célèbre livre d'entretiens, à propos de la scène du Rideau déchiré où on doit se débarrasser de l'ignoble homme de l'Est qui gêne Paul Newman (et ce qui vaut pour un film vaut pour un livre