Les jeunes hommes sont à la recherche de leur père, dit-on, qui voyagent. C'est au moins le cas de Stéphane Bouquet, 35 ans, né de père inconnu, dont on se rappelle qu'il partait aux Etats-Unis pour retrouver celui-ci dans et par la Traversée, film de Sébastien Lifshitz où il interprétait le principal et presque unique rôle (voir Libération des 16 mai et 15 juin 2001). Mais évidemment, comme on l'avait subodoré depuis le début, on ne voyait jamais à l'écran le visage du père et jamais on ne savait ce que les deux hommes s'étaient dit. Le spectateur était littéralement laissé à la porte. Eh bien, si vous voulez connaître la suite, il ne vous reste plus qu'à lire Un monde existe, deuxième recueil poétique de l'auteur : «L'homme le dîner la tête dressée vers l'est et la nuit croît/ Sa femme et son dernier fils répètent/ plusieurs fois ça va/ Il dit que oui chaque fois pourtant la terreur réside derrière ses dents/ Le/ fils la voit couler sur le menton de son père». Mais on n'en saura guère plus. Vues fragmentaires, rêvées, transposées, prises de l'intérieur du père : c'est au lecteur de produire ici son propre sens, loin de l'autofiction hystérique qui interdirait l'imagination, qui refuserait de se mêler à nous. La rencontre du père et du fils se fait d'ailleurs sous le signe fantasmatique de la fratrie et plutôt que de parler directement de Kenneth Rhea (le nom de son père qui n'est pas son «nom de vivant»), Stéphane Bouquet chante la litanie de ses oncles morts au Viêt-nam,
Critique
Père dû
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par Eric Loret
publié le 9 mai 2002 à 23h25
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