En déclarant «je suis l'oeuvre de ta vie» - à celle qui partage la sienne, Claude Cahun brouille encore une fois de plus les cartes. L'une n'est pas artiste, l'autre n'est pas sa muse. Depuis la «rencontre foudroyante» en 1909 de Lucy Schwob et de Suzanne Malherbe (suivie en 1917 du remariage de Maurice Schwob, le père de l'une, avec la mère de l'autre, Marie Eugénie Malherbe), Suzanne (1892-1972) vécut avec Lucy Schwob jusqu'à la mort de celle-ci, en 1954. Elle fut une force active dans l'oeuvre de Claude Cahun. D'abord, sous le pseudonyme de Marcel Moore, cette ancienne étudiante des beaux-arts de Nantes illustra nombre d'ouvrages de Claude Cahun.
Mais c'est également Suzanne qui photographia concrètement la plupart des autoportraits de Claude Cahun : les photographies à l'évidence signalent l'intervention ou l'assistance de Moore pour leur mise en scène ou leur prise de vue. Faits à deux, les autoportraits photographiques ont manifestement également servi de lien, mais aussi de jeu avec tout l'érotisme que le terme implique entre elles deux, les images ont d'abord été destinées au service exclusif de leur relation, avant d'être, bien après leur mort, livrées aux regards des autres.
Dès 1919, l'ouvrage illustré Vues et visions rend pour la première fois publique l'association des deux femmes. Les dessins ornementaux, occupant des marges élargies jusqu'à prendre les deux tiers de la page, sont de Marcel Moore ; Claude Cahun signe le texte (qu'elle voue ainsi à la première