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Critique

Il faut faire intention

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Première traduction du maître-livre de l'amie et exécutrice testamentaire de Wittgenstein, Elisabeth Anscombe, fondatrice de la philosophie de l'action.
publié le 23 mai 2002 à 23h34

Ludwig Wittgenstein l'appelait «mon vieux». Ce qui n'eût choqué personne si «Old Man» ne s'était prénommé Gertrude Elisabeth Marie. Pour tous les autres, bien que mariée avec le logicien Peter T. Geach, et mère de sept enfants, elle était «Mademoiselle Anscombe». On la voyait toujours la cigarette aux lèvres. Elle avait juré devant l'Eternel qu'elle y renoncerait si son second fils, sérieusement malade, parvenait à s'en sortir : elle tint parole, mais, estimant que son serment ne portait que sur la cigarette, se mit à fumer la pipe et le cigare. Morte le 5 janvier dernier, à l'âge de quatre-vingt-un ans, elle comptait parmi les plus importants philosophes britanniques de la seconde moitié du XXe siècle.

D'Elisabeth Anscombe on traduit aujourd'hui le maître-livre de 1957, l'Intention, considéré comme un «classique» de la pensée analytique contemporaine. L'incroyable retard avec lequel il parvient au public français s'explique sans doute par le fait que l'oeuvre de Miss Anscombe, ainsi que le personnage ­ «an exhilarating philosopher», selon Jane O'Grady (The Guardian) ­ ont été presque entièrement «mangés», hors de l'Angleterre, par l'ombre de Wittgenstein. Elle était sa plus chère amie. Elle en fut d'abord l'élève, puis le successeur ­ elle occupa entre 1970 et 1986, à Cambridge, la chaire qui avait été celle du philosophe autrichien ­ et en devint enfin l'intraitable exécuteur testamentaire. Après la disparition de Wittgenstein, en 1951, Anscombe consacra tout son temps à me