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Libération
Critique

L'oeil de Cahun

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Claude Cahun (1894-1954), est devenue, sans l'avoir voulu, une icône de l'art contemporain. Ses «Ecrits», publiés aujourd'hui, éclairent une personnalité mêlant féminin et masculin, compagne de route des surréalistes.
publié le 23 mai 2002 à 23h34

Voici une femme qui, morte en 1954, confinée à l'anonymat d'un cimetière de l'île de Jersey, n'a jamais su, n'a pas vu venir le moindre indice de sa notoriété posthume. Et soudain, près de trente ans plus tard, en 1980, une galerie d'art révèle quelques photographies de Claude Cahun. La machine s'emballe. Les musées et collectionneurs s'intéressent de plus en plus avidement aux tirages, qui ressortent tels des morts-vivants. Les expositions prolifèrent, développant la vision d'autoportraits incroyables, datés des années 1911 à 1954. Et pourtant, ils n'ont rien d'un journal, ils ne suivent aucunement la vie, mais manifestent les visages changeants d'une personne qui joue avec les mascarades du féminin et du masculin. Rasée ou perruquée, marin ou poupée, crâne d'oeuf disproportionné ou beauté masquée, cette théâtralisation d'une identité changeante ressemble aux tentatives les plus «gender-fucking» de l'art contemporain.

Reste à donner une vie à celle qui est en train de devenir une icône. Le portrait, esquissé alors par le biographe François Leperlier, se précise : Claude Cahun est le pseudonyme de Lucy Schwob (1894-1954), nièce de l'écrivain Marcel Schwob. Nantaise puis Parisienne. Liée aux écrivains et aux surréalistes (elle écrit en 1936, pour l'exposition d'objets à la galerie Ratton, actuellement reconstituée à Beaubourg, la préface : «Prenez garde aux objets domestiques»). Activiste en littérature et en politique, lesbienne (jusqu'à sa mort, elle vit avec Suzanne Malherb