«Et ce soir, qui va laver les verres ?» Grâce à Dieu, avec la multiplication des lave-vaisselle dans nos cuisines, la question se pose de moins en moins. Mais chacun sait à quel point dans un couple la question peut être piégée. Elle est aussi très informative sur son mode de fonctionnement. Qu'il soit celui de la «dette négative» (« C'est à toi de faire la vaisselle. Je l'ai faite hier. Mais d'habitude c'est toujours moi»), de la «dette positive» («Laisse, je vais faire la vaisselle») ou, rareté, de l'«alternance» (« Je crois que c'est à ton tour. Oui, tu as raison»).La question («Et ce soir...») en dit aussi beaucoup sur la réciprocité, le don et le sacrifice, thèmes du livre de Mark Rogin Anspach, un ethnologue américain qui travaille au Centre de recherche en épistémologie appliquée à Paris.
«De la vengeance au don et du don au marché, les relations humaines semblent marquées du sceau de la réciprocité», observe-t-il, se demandant aussitôt : «Pourquoi la chose donnée, le bienfait ou le méfait, le compliment ou l'insulte, doit-elle être rendue ?» Pour répondre à cette interrogation, A charge de revanche, Figures élémentaires de la réciprocité passe des Maoris de Nouvelle-Zélande au New Deal américain, en prenant appui sur les textes, souvent contradictoires, de Marcel Mauss et Claude Lévi-Strauss, mais aussi Cornelius Castoriadis ou Gregory Bateson.
Au commencement était le meurtre, rappelle Anspach. Mais comment passe-t-on du «cercle vicieux de la vengeance au cerc