La première fois qu'on s'est vu, Djian, ça devait être l'hiver d'il y a dix douze ans. A Biarritz. Il vivait à Biarritz, mais les valises étaient déjà prêtes pour Florence où je ne le vis pas. Plus tard, on s'est rencontré à Bordeaux, une fois ou l'autre, puis près de Toulouse où j'habitais, c'était son chemin pour aller à Carcassonne, Stéphane Eicher y avait truffé de micros un hôtel magnifique pour enregistrer le premier disque que Djian avait écrit pour lui. On s'est revu à Lausanne, à Paris. Et pas plus tard que vendredi dernier.
La première fois qu'on s'est vu, Djian, en février 1991, on a parlé de son livre Lent dehors qui venait de sortir, de onze heures du matin à 18 h 36 (ces choses peuvent être vérifiées dans Libération du 28 février 1991, on préférerait être cru). Sans manger un morceau, sans en perdre une miette. Sauf le respect qu'on a pour les précédents, c'était déjà son meilleur livre, le plus maîtrisé, là au moins on savait où ça se passait, Saint-Pétersbourg, c'était un temps où ce journal aimait rire, où l'on admettait d'écrire à la première personne pour parler d'une personne de première. Bref, l'article avait été titré, à mon insu, «Djian bon beurre», rapport à ce qu'on n'avait pas cassé la moindre graine, ça n'avait pas plu à tout le monde, et c'est ça qui plaît, de pas plaire à tout le monde.
Aussi, cette fois, pour ne pas reproduire le même erreur, vendredi, on s'est donné directement rendez-vous au restaurant. Il attendait au bar, des lunettes sur le n