Le saut à l'élastique comme métaphore de la littérature (et de la vie ?). On peut lire ainsi Ce que dit Molero, l'étonnant roman paru au Portugal en 1977 d'un auteur né en 1930 et dont voici le début : «"Il a eu une enfance étrange", dit Austin. "En dernière analyse, toutes les enfances le sont", dit Mister DeLuxe. "Molero dit, reprit Austin, que l'enfance du garçon fut particulièrement étrange, conditionnée par des questions de milieu qui firent de lui, simultanément, l'acteur et le spectateur de sa propre croissance, pris dedans et un peu détaché, lié à ce qui l'entourait et s'en écartant, comme si un élastique l'eût éloigné du corps qu'il portait et, maintes fois, l'eût projeté brutalement contre la réalité de ce même corps, alors qu'il y avait ce bouillonnement violent de ce qu'il était et l'écume de ce qu'il pouvait être, l'aile d'un âge tendre battant sous la pluie."» Tous les personnages sont en place : «le garçon» sur qui le rapport de Molero (auquel le lecteur n'aura jamais accès directement) donne une foule de précisions si considérable qu'elle noie tout éclaircissement, et Austin et Mister DeLuxe qui dialoguent tout le roman en commentant ce texte de Molero, le premier porté vers la poésie, le second on ne peut plus terre à terre.
Ce que dit Molero est un roman d'espionnage très spécial (et très bien traduit). On ne saura jamais si Austin et Mister DeLuxe sont des policiers, des médecins, des biographes, pour dépouiller tellement d'informations particulières. C'est