Entre journalisme et littérature, les ponts sont rares, étroits et trompeurs. Le sport est l'un d'eux. Il engendre de petits Homère joyeux et mélancoliques. Dont Denis Lalanne, romancier et grand reporter en retraite installé au Pays basque. Encré sur les pelouses et les stades de l'après-guerre, il entre à l'Equipe en 1954, la même année qu'Antoine Blondin. Il a surtout aimé, enchanté le rugby : Blondin l'appelait le «seizième homme du Quinze de France», mot qui colle à sa peau et aux articles qui lui sont, comme celui-ci, consacrés (1). Lalanne raconte, dans Rue du Bac, avec force de coeur et de style, ses débuts et sa carrière mêlée à celle d'Antoine, ou comment «dilapider la littérature dans le journalisme». Avec une réserve évitant l'abcès d'anecdotes, il évoque les élucubrations de ce grand écrivain classique, de cet «homme de trop» qui écrivit si peu. Il dépeint un albatros aux ailes rognées par l'impuissance de faire mieux, un vieil enfant tué dans l'oeuvre par la mort d'un père et un séjour en 1943 au STO, où il prit pour toujours «l'esprit de chambrée».
Ce livre n'est ni un journal, ni un mémorial, ni un portrait : c'est le reportage intime et sentimental d'un homme qui revoit sa jeunesse à travers l'écrivain et ami qui, par son charme et ses écrits, l'a symbolisée en lui donnant ses lettres de noblesse. Lalanne interroge sa mémoire, les amis survivants, les filles de l'écrivain. Il cite ses livres et ceux des autres. On croise Jacques Perret, Kléber Haedens, Bernar