L'auteur de ce monumental ouvrage, Georges Bensoussan, pose d'emblée cartes sur table : «L'adjectif claque comme une insulte. Sioniste.» Et il a raison : autant affronter l'opprobre de face. Et tenter par «l'étude de cette nation imaginée, hésitant sur plus d'un siècle entre l'épopée et l'abîme», d'expliquer cette stratégie de survie et de libération nationale des juifs à l'ère moderne.
Il est vrai que le sionisme apparaît si universellement vilipendé (naguère à l'ONU, hier à Durban, aujourd'hui dans la rue), voire diabolisé, qu'il ne peut être tout à fait mauvais... Au demeurant, Ben Gourion argua longtemps qu'avec la création en 1948 d'un Etat indépendant, le sionisme n'avait plus de raison d'être. Du coup, en Israël même, le terme fut longtemps synonyme de «bla-bla» ou de «vieilles lunes», jusqu'à ce qu'il revête au cours de la dernière décennie, par un retournement de sens et sous les assauts du conflit israélo-arabe, la valeur de «patriotisme». Pour s'y retrouver, l'histoire est toujours, dans ce cas, un bon guide.
En élisant sa période d'étude à partir de 1860, l'auteur choisit d'inscrire délibérément son histoire dans la modernité ; d'autres histoires pourraient débuter plus loin dans le temps car nul doute que la nostalgie de la terre d'Israël et de Jérusalem fut toujours présente dans la conscience et la prière des juifs. D'ailleurs, quelques-uns d'entre eux s'y installèrent au cours des siècles, que ce soit après l'expulsion d'Espagne au XVe siècle, venant d'Europe d