Spécialiste réputé de la Shoah, Christopher Browning a été invité à prononcer six conférences à Cambridge, que reprend le présent volume. Les thèmes récurrents qui charpentent les recherches de l'historien américain inspirent les six chapitres de l'ouvrage. La réflexion porte tout d'abord sur la date à laquelle l'extermination des juifs d'Europe a été décidée, décision que l'auteur situe au printemps et à l'été 1941. Le rejet de l'hypothèse migratoire (l'idée d'expédier les juifs à Madagascar est abandonnée en 1940), la volonté de recomposer démographiquement l'Europe de l'Est, la guerre d'annihilation menée en Russie, l'entrée des Américains dans le conflit enfin, auraient mené à ce choix barbare que ratifièrent les dirigeants allemands, militaires compris.
Car l'idéologie a toujours dicté sa loi, comme le démontre le débat (ou l'absence de débat) sur le travail forcé. Quelques responsables ont en effet envisagé d'exploiter la main-d'oeuvre juive plutôt que de l'exterminer, dès lors que l'économie allemande manquait dramatiquement de bras. Christopher Browning montre pourtant que ce choix a constamment été subordonné aux cadres idéologiques posés par le régime : le travail est ainsi toujours considéré comme une étape transitoire précédant l'élimination définitive. Et lorsque des responsables subalternes tentent de protéger leur main-d'oeuvre, pour des raisons économiques et non humanitaires, ils sont le plus souvent sanctionnés, parce qu'ils s'opposent à l'option principale