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Libération
Critique

Un esprit sain dans un corsaire

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Voyages, tempêtes et cachots: la vie aventureuse d'un marin-peintre du XVIIIe siècle racontée par lui-même.
publié le 20 juin 2002 à 0h01

Son destin semblait gravé dans le marbre. Mais fils et petit-fils de peintre, Louis Garneray entamera sa carrière dans de bien étranges ateliers : les terribles geôles de la marine britannique. Tout jeune, alors qu'on le dit doué pour le pinceau, il s'enflamme pour d'autres horizons. «Mon cousin Beaulieu-Leloup, marin de corps et d'âme, éprouvait un profond sentiment de commisération pour les habitants des villes. Le bonheur sur la terre ferme lui semblait un paradoxe insoutenable : il ne comprenait la vie que sur un pont de navire ; et il n'admettait les relâches dans un port ou à la côte que comme une de ces contrariétés et l'un de ces ennuis inhérents à l'existence humaine, que l'on doit subir avec résignation puisqu'ils sont inévitables.»

A 13 ans, en 1796, Garneray quitte Paris et rejoint à Rochefort la frégate de combat de son capitaine de cousin. Cap sur l'océan Indien, pour tenter de briser la domination anglaise sur les Indes et faire appliquer dans les colonies françaises l'abolition de l'esclavage décidée par la jeune république. Louis Garneray ne reposera son sac à terre que dix-huit ans plus tard. Pendant une dizaine d'années, il croise entre l'Afrique et les Phillipines, voguant de vaisseaux de guerre en navires corsaires. Il découvre la joie des victoires au canon, la récompense rapide des parts de prise et l'horreur des batailles. Il restera incapable de s'habituer à la vue et à l'odeur des chairs déchiquetées par les éclats de bois et la mitraille. En 1800, i