Son nom et son portrait ornent les salles de la Sorbonne et de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm. Certains étudiants songent peut-être aujourd'hui à une vieille barbe, un ancien ministre ou recteur, un mécène, un vénérable professeur qui jadis hanta ces lieux. Pour la génération précédente, qui a entendu Vladimir Jankélévitch ou Georges Canguilhem l'évoquer sans cesse, il était une sorte de mythe, une «figure unique», l'image emblématique du philosophe combattant. Il s'appelait tantôt Chennevières, tantôt Hervé, Marty, Charpentier ou Carrière. C'était Jean Cavaillès, le philosophe combattant. Avec Emmanuel d'Astier de la Vigerie, sur les bancs de la faculté de lettres, il avait rédigé en 1941 le premier tract de ce qui sera le mouvement de résistance Libération.
De «l'agrégé du sabotage», paraît aujourd'hui une «biographie à plusieurs voix» : Jean Cavaillès résistant ou la Pensée en actes, que signent Alya Aglan, Jean-Pierre Azéma, Nicole Racine, Benoît Verny et Hourya Sinaceur. Elle s'ajoute aux textes commémoratifs de Georges Canguilhem et de Raymond Aron, entre autres, au témoignage essentiel de Gabrielle Ferrières, soeur de Cavaillès (1) ou aux études historiques de Laurent Douzou (2), et vient éclairer le mystère d'une vie et d'une mort, dont Canguilhem a pu dire qu'elles posent «un redoutable problème de compréhension psychologique» et qui pourtant pourraient être résumées en quelques lignes : un jeune philosophe, promis à un brillant avenir, est saisi par la g