Et si Dieu était une petite fille ? Eventuellement un bison fille, claustrophobe dans sa cage de zoo. Plus sûrement, une petite fille de race humaine qui se prendrait pour un vieux monsieur, un écrivain subclaquant s'entraînant à sauter le pas. Janet Frame, la Néo-zélandaise auteur d'Un ange à ma table, est cette petite fille-là. Elle a emmagasiné toute la littérature mondiale dans sa grosse tête, la vie lui est un réseau de poèmes. Elle est sage comme une maman bison et le peuple indien réunis, mais, au fond, son regard un peu bizarre est celui d'une enfant.
Les mots, la mort. C'est le sujet de la Fille-Bison. Débarrassons-nous tout de suite de la bisonne, en anglais Daughter Buffalo. Turnlung, poète septuagénaire au bord de la sénilité, venu de très loin séjourner à New York, s'éprend d'un jeune scientifique, Talbot Edelman, alors il lui vient cette idée de trinité familiale, avec adoption de l'animal : «Comment puis-je quitter un monde si bon/ A moins qu'imaginant un grand déluge/ je ne fuis avec Talbot et ma fille-bison vers une arche/ de mort s'élevant de la pierre dans Central ParK ?», songe Turnlung, qui s'exprime parfois en vers.
Talbot et Turnlung ont en commun un intérêt passionné pour la mort. Talbot prétend avoir beaucoup appris avec l'embryologie, discipline pourtant choisie à l'origine pour fuir «M.» la maudite. Il voyage, au Pérou, en Suède. «A mon retour, l'inspecteur du service des douanes me demanda : "Avez-vous quelque chose à déclarer ? Des cerveaux de fo