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Libération
Interview

Renégocier la réalité

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La fugue est l'exact reflet de l'âge du tourisme. Entretien avec Ian Hacking, expert en maladies mentales transitoires.
publié le 11 juillet 2002 à 0h22

Pourquoi un philosophe s'intéresse-t-il à la maladie mentale ?

Il y a plusieurs réponses possibles. Je travaille depuis quelques années sur un projet que

j'appelle : «Façonner les gens». Comment les gens sont façonnés par les classifications, les théories des sciences de l'homme et de la société. Je réfléchis toujours à partir d'exemples. Ma réponse pourrait donc être : je m'intéresse aux maladies mentales comme exemples.

Dans l'Ame réécrite, je demandais : «Les psychiatres ont défini et peut-être fabriqué les symptômes de certaines maladies mentales, mais n'existe-t-il pas de maladies réelles ?» C'est une question philosophique plus traditionnelle. Dans les Fous voyageurs, je cite Hilary Putnam selon lequel la réalité n'est pas un absolu : nous sommes toujours en train de la renégocier.

Quand il a commencé ses études sur la folie, Michel Foucault avait l'hypothèse, peut-être le rêve, qu'il existe sur la folie une vérité, quel que soit le contexte. S'il a raison, c'est une leçon sur la condition humaine. (Pour moi, il a tort, mais l'hypothèse est importante.) Plus modestement, tout le monde pense qu'il est évident que les philosophes s'intéressent à la raison. Foucault a montré que folie et raison sont un couple qui marche la main dans la main.

Pourquoi les «fous voyageurs» ?

Dans l'Ame réécrite, je m'étais intéressé aux épidémies de personnalités multiples . On connaît bien l'épidémie actuelle, qui touche depuis une trentaine d'années les Etats-Unis, le Canada et l'Australie. Mai