Les livres d'Elwood Reid appartiennent à la littérature mâle aux mains calleuses, qui pue le désespoir et le bourbon. Chez cet ancien charpentier, cuistot et barman, le mythe du «lonesome cowboy» n'est pas mort. Il ne parcourt plus la prairie en jouant du revolver, mais, qu'il soit en costard cravate au bureau ou en train de pêcher dans le Grand Nord, il se sent juste esseulé, car il n'est rien, n'a rien, ne veut rien. Dans un monde vierge de sens, il cherche. Midnight Sun, comme la nouvelle-titre du recueil précédent Ce que savent les saumons, se passe en Alaska. Cette terra quasi incognita accueille ceux qui espèrent quelque chose : «Les vétérans du Viêt-nam complètement déjantés attendaient la guerre, les chrétiens fondamentalistes priaient pour atteindre l'illumination, les hippies voulaient trouver le paradis, les strip-teaseuses roulaient les billets sales dans leurs jarretières (...).» Jack est allé à l'université mais a tout largué comme ça, pour rien. Ce rien dans lequel se tient toute une existence. Il part avec son pote Burke, devient manoeuvre. Planter des clous devient une vertu : «C'est tout un art, et il y a eu des moments où le simple fait de clouer des pointes me paraissait la chose à faire, importante et profonde.» Et peu lui chaut si la prière est monotone : «Pointeuse à l'entrée, pointeuse à la sortie, et ne pas réfléchir entre les deux», l'aliénation n'est pas là où l'on croit. L'important pour Jack c'est de pouvoir repartir. Il suffit d'un peu de recul
Critique
Un lascar en Alaska
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par Sean James ROSE
publié le 11 juillet 2002 à 0h15
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