«Une envie de revoir une fois encore la lumière particulière de la Tasmanie et ce qu’elle éclairait, la chose qui se tenait entre le soleil et la terre, cette étrange lumière d’images négatives par quoi le ciel pouvait être noir comme dans un four et la terre chatoyer d’or et de rubis, avec seulement des ombres pour maintenir le tout ensemble.» Sonja vit sur le continent, à Sydney. Après vingt-deux ans d’absence, Sonja veut retourner vers l’île de son enfance, vers son père, Bojan. L’enfance fut malheureuse, le père aussi.
Bojan Buloh, d’origine slovène, est un de ces nouveaux Australiens, émigrés de l’Europe d’après-guerre, il était venu travailler dans «la vallée de la Ruhr australienne». Yougoslaves, Grecs, Italiens, Polonais, Bulgares, Tchèques... Des rescapés de la sanglante histoire du Vieux Monde qui se retrouvent au bout de la terre et croient à «l’arc-en-ciel de la prospérité». Les années passent et dans cette Australie pas si tranquille, on essuie humiliations et avanies racistes comme ailleurs, on broie du noir sur les chantiers, on se distrait d’une mort accidentelle, d’une dispute à la cantine, en se saoulant, en tapant le carton, en allant aux putes. La vie meilleure n’est plus «une chose réelle mais un kaléidoscope, un rêve à moitié fixé dans la mémoire qu’il valait mieux oublier».
Pour Bojan Buloh, la promesse de bonheur s’est anéantie cette nuit de blizzard où Maria est partie. C’était en 1954, Sonja avait 3 ans. Bojan buvait trop, il étai