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Interview

Quand on a cessé de porter le chapeau

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Jonathan Franzen, l'auteur des «Corrections», analyse l'infantilisme et les fractures de la société occidentale. Non sans tendresse pour la préhistoire, avant les années soixante.
publié le 22 août 2002 à 0h43
(mis à jour le 22 août 2002 à 0h43)

Comment avez-vous commencé à écrire ?

A 17 ans, j'ai écrit avec un ami une pièce de théâtre sur Newton. C'était une commande de mon prof de physique. Il était assez fou, il a fini par être viré, mais il encourageait ses élèves à monter des pièces, peindre des fresques, tourner des films. On s'amusait beaucoup, on ne nous laisserait jamais faire ça aujourd'hui. Sans doute parce que je suis en France, je pensais hier à Houellebecq et à sa vision des années 60 et 70, qu'il décrit comme un désastre. Mais c'était aussi une époque merveilleuse, où on avait droit à une sorte d'anarchie et de liberté qui n'ont existé ni avant ni après. Si j'avais été enfant dans les années 50, je serais sans doute juge ou avocat. Mais j'ai pu devenir écrivain.

A 19 ans, je pensais à mon premier roman, j'essayais déjà d'écrire sur les Indiens de Bombay. Je suis très lent, et oisif. Quand je pense à mes romans, c'est comme une rêverie, une forme désagréable et obsessionnelle de rêverie.

Déjà enfant, j'avais les personnages de mon premier roman en tête, j'essayais de les faire fonctionner et ça ne marchait pas, mais ils revenaient sous des formes différentes. Mes personnages se métamorphosent sans cesse, ils changent d'âge, de sexe ou d'opinions politiques. Dans mon premier roman, un inspecteur de police indien du XIXe siècle est devenu une femme de la fin du XXe. Il a évolué sur plusieurs années, mais c'était toujours la même «gestalt».

Généralement, le noyau initial d'un personnage est