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Libération
Critique

Rolin jeunesse

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En révolutions sur le périphérique, Olivier Rolin, trente ans après, raconte à sa jeune passagère les années Mao, quand il était le bras armé de la Gauche prolétarienne. Le «Tigre en papier» n'est pas toujours celui qu'on croit.
publié le 29 août 2002 à 0h47

L'histoire se passe de nos jours, une automobile remarquable, une DS Citroën, tourne jusqu'à extinction du carburant sur le périphérique intérieur, les phares directionnels saluent les enseignes lumineuses. La voiture a trente ans, tout comme les souvenirs que Martin, l'homme au volant, raconte à Marie, la fille de Treize. Treize et Martin étaient inséparables voici trente ans, du temps où l'on mettait les tigres dans les moteurs, des tigres attrapés par la queue à des slogans publicitaires, un bout de cette queue en peluche pendait parfois au rétroviseur. Lorsqu'elle est sortie, en 1955, la DS aussi était révolutionnaire, puis elle a fait son temps. Marie a peu connu son père, mort comme on le saura à la fin du livre. Les pieds sur le tableau de bord (elle a de jolies jambes), la cigarette et la moquerie aux lèvres, elle écoute Martin lui parler d'une génération, d'une poignée d'individus interdits d'individuation, un collectif. Révolutionnaires, ils ont fait leur temps. Ils avaient vingt ans, trente. Il ont fait leur temps et le nôtre, stricto sensu : on veut dire que dans l'air du temps d'aujourd'hui flottent bien des choses qu'ils ont faites, pas nécessairement celles qu'ils ont ourdies, d'autres, malgré eux. Ils faisaient de la politique, engagés pour «La Cause», et plus précisément formaient le petit groupe d'intervention armée, le fer de lance d'une révolution en marche, armes en fer blanc, fausses moustaches, fausses bedaines, balles à blanc dans les chargeurs. Marti