L'homme, brun avec des lunettes, la quarantaine juvénile, s'assied et commande une boisson. Javier Cercas, l'auteur de Soldados de Salamina a au moins un point commun avec le narrateur homonyme du roman. Tous les deux boivent du gin tonic.
On a beaucoup parlé dans la presse espagnole de la part de fiction et de celle de la réalité dans «Soldats de Salamine». Le narrateur a beau se nommer Javier Cercas, il serait différent de vous...
Contrairement au narrateur, je n'ai pas été abandonné par ma femme, mon père n'est pas mort et je ne suis pas journaliste. Ces trois informations contenues dans le roman sont factuellement fausses. Elles permettent pourtant au récit d'avancer et d'atteindre une plus grande vérité. A plusieurs occasions, le narrateur explique qu'il va écrire un récit réel mais il faut toujours se méfier des affirmations d'un narrateur. Après tout, Cervantès n'explique-t-il pas qu'il a écrit l'histoire de Don Quichotte telle qu'il l'a entendu raconter. Le mensonge est la matière première du romancier. Mon livre commence comme un reportage et se termine en fiction. Et la fiction est plus forte que la réalité.
Alors pourquoi avoir choisi de vous faire vivre ces malheurs dans le roman ?
Un homme qui subit ces avanies se sent perdu et a tendance plus naturellement à se poser des questions d'identité et de métaphysique. La perte de son père au début du récit permettra au Cercas du livre d'être sensible au côté paternel de Miralles, le personnage clé. Et de s'interroger sur