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Critique

Complètement Stones

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A 15 ans, dans le Poitou, François Bon écoutait les 45 tours des Rolling Stones. Trente-cinq ans plus tard, il publie une biographie puissante et détaillée des héros mal peignés de sa jeunesse.
publié le 5 septembre 2002 à 0h51

Un 11 novembre des années 60, dans le bourg de Civray, département de la Vienne. L'adolescent François Bon ouvre pendant la cérémonie la fenêtre de sa chambre. Elle donne sur la place où se trouve le monument aux morts. Morts de 14-18, de 39-45, morts d'Indochine et d'Algérie : les hommes en costume sombre aux cheveux courts, au garde-à-vous en noir et blanc, célèbrent l'Histoire en silence. Le jeune François pose sur sa platine le vinyl Sergent Peppers, des Beatles, et monte le son. Il aurait aussi bien pu lancer dans l'air une chanson des Stones : Satisfaction, Mother's Little Helper, n'importe lequel de ces titres acides, de ces dentelles d'acier sonore exhibant la contraception, l'amour méchamment libre, la came, le cynisme ou la guerre des sexes. Le père, garagiste mécanicien, remonte et lui colle une rouste.

Trente-cinq ans plus tard, l'écrivain quinquagénaire se demande en souriant «quel était le sens de cette connerie sans importance». C'est d'abord pour le comprendre, pour entrer dans la spirale de ce microscopique scandale, qu'il a composé, pendant dix ans, cette biographie des Rolling Stones. Car ce détail d'enfance, ajouté à des millions d'autres, alimenta le mythe rock et fabriqua une génération. Le père de Bon réagit à l'insolence de son fils, mais la société ancienne s'écroula sous les provocations. L'écrivain donne un exemple : «Les Stones, des gamins célèbres de 25 ans soumis à une grande violence, se réfugient entre autres dans la pacotille nazie, arborant d