Objet de l'attention des historiens tout autant que de la faveur du public, les campagnes françaises du XIXe siècle ont suscité tant d'ouvrages, de synthèses ou de récits qu'on peut se demander si elles conservent encore des secrets. Débusquer ceux qui demeurent, et restituer ainsi un peu de cette étrangeté qui distingue la bonne histoire, nécessite sans doute de plonger au plus près des situations conflictuelles, des violences et des déviances, là où les schémas trop généraux peinent à rendre compte des attitudes et des comportements. C'est ce à quoi nous invitent deux ouvrages, de facture pourtant très différente, qui paraissent aujourd'hui.
Fort d'une impressionnante érudition bibliographique, Nicolas Bourguinat a rouvert le dossier des violences frumentaires qui, à de nombreuses reprises (1812, 1817, 1828, 1846-1847), affectèrent une large partie du pays. Bien connues des historiens, ces diverses pratiques, qui allaient de l'interception des convois de grain à l'émeute et au pillage, accompagnés généralement d'une demande de taxation des prix, ont été jusqu'ici surtout interprétées en termes économiques, comme des formes de résistance paysanne à la modernisation ou au capitalisme agraire. Mais une telle analyse, qui surévalue l'existence d'un grand marché du blé au premier XIXe siècle et fait des paysans en révolte de simples émeutiers, tenaillés par la faim ou par le désespoir, ne suffit pas à rendre compte de l'éventail de ces pratiques. Utilisant le concept d'«économie