Quand, en mars 2001, elle édite les Soldats de Salamine, la maison Tusquets sait que Javier Cercas, l'auteur, a publié trois autres livres qui n'ont trouvé qu'un public limité (3 000 ou 4 000 lecteurs). Malgré l'accueil favorable de la presse, personne ne s'attend à voir le roman nouveau caracoler des mois au sommet des ventes. Pourtant, dès les premiers jours, il se vend bien, même très bien. Cela paraît étonnant aux «spécialistes», qui sont persuadés que l'évocation de la guerre civile, souvenir pénible, fatigue les Espagnols.
Les semaines passent : pendant l'été 2001, les Soldats de Salamine en est à sa sixième édition et alimente toutes les conversations. En septembre, presque six mois après la parution des critiques, l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa lui consacre sa chronique régulière dans El Pais, le quotidien le plus lu de la péninsule ibérique : «Mon ami Fernando Iwasaki, écrit-il, m'a recommandé de lire Soldados de Salamina de Javier Cercas, et comme je me fie à ses goûts littéraires, je l'ai fait aussitôt. Quel bonheur ! C'est un livre magnifique, un des meilleurs que j'ai lus depuis longtemps, il mériterait d'avoir des lecteurs innombrables...» Voeu exaucé. En juillet 2002, Tusquets a imprimé 21 éditions et a vendu près de 300 000 exemplaires de cet étonnant bouquin.
Entre-temps, la presse est revenue sur le sujet, et a multiplié les pages sur les protagonistes véritables de cette histoire. Une adaptation cinématographique a même été réalisée par David Trueba