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Critique

Intourisme

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Le voyage en URSS comme récompense des militants méritants du PCF. Où l'on voit que bien peu firent du tintouin au pays des Soviets.
publié le 5 septembre 2002 à 0h52

Le voyage en Union Soviétique a volontiers fonctionné comme un pèlerinage ­ pour les croyants du Paradis soviétique. Car si l'URSS s'est parfois ouverte aux échanges culturels, sportifs ou scientifiques, ce sont surtout les militants communistes qui alimentèrent les flux, assez minces, du voyage au pays des Soviets. Evidence que rappelle Rachel Mazuy dans un livre fort documenté qui porte, et sur les mécanismes de la foi communiste, et sur ce tourisme d'un type nouveau. L'aventure commence dès le départ, puisque les pionniers franchissent parfois clandestinement la frontière ou se heurtent à la vigilance soupçonneuse de la police française ­ Paris ne reconnaissant Moscou qu'en 1924. Elle se poursuit au rythme des bogies puisque le train ­ moyen de transport presque exclusif ­ laisse aux individus le temps de se préparer mentalement au choc qui les attend. Elle se prolonge en Russie même, la confrontation avec l'univers soviétique laissant des traces durables. Pour le meilleur, quand les rencontres, même surveillées par la police, dévoilent un pan d'humanité. Pour le pire, quand se révèlent la misère ou le totalitarisme staliniens. Rares pourtant sont les voyages qui débouchent sur le reniement ou l'adhésion enthousiaste. Pour les hétérodoxes comme Gide, le voyage ne fait que confirmer les doutes préexistants. Les communistes orthodoxes, même ébranlés par les tristes réalités qu'ils constatent, se taisent, pour ne pas quitter le Parti, auquel ils restent attachés, ni grossir