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Libération
Critique

L'orgue de Barbéris

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Les gens normaux ont tout d'exceptionnel . «Les Kangourous», de Dominique Barbéris, se promène à Paris sous la pluie.
publié le 5 septembre 2002 à 0h51

Les kangourous mélancoliques du Jardin des Plantes ne vous regardent pas en face. La jeune femme dont nous faisons la connaissance dans le roman de Dominique Barbéris pense qu'ils n'osent pas. «Et tout à coup je me suis dit qu'ils n'avaient pas non plus dû regarder le meurtrier en face ; mais certainement, ils l'avaient vu.» Trois meurtres ont lieu, chaque fois dans le périmètre où elle vit, et comme elle est elle-même une jeune femme seule, ces drames la concernent. Elle n'en fait pas une histoire, mais l'angoisse monte. Elle a rencontré un homme à la cantine.

«En dehors de la pluie, ma vie était plutôt paisible.» Voilà comment elle s'exprime. Quand l'homme l'aborde et se plaint de ne pas l'avoir repérée avant, car il y a trop de monde, Dominique Barbéris écrit : «J'ai posé ma fourchette et j'ai dit ça dépend.» Cette jeune femme seule qui ne fait pas d'histoires mais n'en pense pas moins est employée dans une compagnie d'assurance, le groupe Prudence, dont les dédommagements sont toujours décevants. Pourquoi aussi faudrait-il que les gens soient dédommagés de vivre ?

Un calme, une sagesse émanent de ce personnage à la fois découragé et tenace, dont le monologue est plutôt un portrait. Elle a peur de tomber en morceaux, par exemple de perdre ses cheveux. Elle a peur de fuir de tous côtés, sans doute est-elle un peu fermée pour cette raison. Ce qu'elle aime ? Les statues, les souvenirs qui viennent en écoutant Chopin : «Peut-être que je manquais de goût, comme avait dit Philipp