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Critique

Les doigts de fée d'Hiver

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Rencontre dans le Gard avec une éditrice en chambre, toujours fidèle à Marina Tsvetaeva, qui imprime, coud et relie elle-même chacun de ses volumes.
publié le 5 septembre 2002 à 0h52

Sauve envoyé spécial

Elles étaient faites pour se rencontrer. Marina, plus tard, lui aurait écrit des lettres comme elle le fit à ses amies, ses amours. Mais, revenue en Union soviétique, acculée, abandonnée, sa fille et son mari arrêtés, Marina s'est pendue le 31 août 1941 quand son amie française n'était pas encore née. La rencontre eut lieu cependant, en 1985, lorsque l'amie tire à 400 exemplaires (il y aura d'autres tirages, le quatrième «sur les presses de l'Imprimerie du Jaguar, derrière la gare de l'Est à Paris»), Neuf lettres avec une dixième retenue et une onzième reçue, titre où, sur la page de couverture, se love comme un chat le nom de l'auteur : Marina Tsvetaeva. Une rencontre composée en Bodoni et reliée par les mains mêmes de l'amie française qui habitait alors rue Campagne-Première à Paris, une pièce de 7 mètres carrés, sa «chambre d'édition». Mieux qu'une maison.

C'était le deuxième livre des éditions Clémence Hiver, un nom que l'amie française avait lu sur une tombe du cimetière Montparnasse (le premier livre, au titre emblématique, Les manuscrits reçus ne seront pas rendus, une étrange correspondance amoureuse, est épuisé). Certes, rien ne ressemble plus à un livre fermé qu'une tombe ordinaire, mais pourquoi avoir élu ce nom de Clémence Hiver, «fille de la veuve Hiver» ? Parce que c'est le sien, lui aurait soufflé Marina, comme si l'amie s'était reconnue dans ce nom d'une disparue.

«Je ne me vois pas prendre mon nom pour faire des choses», explique aujourd'hu