On voit de loin en loin passer au firmament littéraire quelque chose dont la fulgurance singulière se nimbe d'un halo de mystère. Le lecteur fasciné se demande, le livre refermé, à quoi il peut bien avoir eu affaire : météorite ? fantôme d'une étoile disparue ? Ovni ? Mais il sait que la trace en restera gravée dans sa mémoire. A marche forcée est de cet ordre.
Un récit. Celui d'une invraisemblable odyssée, deux années de marche de sept fugitifs , du Cercle polaire à l'Inde, à travers la Sibérie, la Mongolie, la Chine, le Tibet et le Bhoutan, en traversant le désert du Gobi et l'Himalaya en droite ligne, soit l'Asie de part en part, du nord au sud. Très longue marche (le titre anglais est The Long Walk) de plus de 6 000 km : ni chaussures, ni carte, ni équipement d'aucune sorte, en dehors de leurs hardes pouilleuses de détenus, et du fol espoir d'atteindre, en allant droit au sud, l'Inde britannique, synonyme de liberté.
Il y a à vrai dire deux récits en un. Le premier, qui occupe la moitié du livre, tient de Kafka et de Soljenitsyne. Il raconte comment Slavomir Rawicz, ex-officier de cavalerie de l'armée polonaise, est arrêté le 19 novembre 1939, emprisonné et torturé, condamné à vingt-cinq ans de bagne pour espionnage après un simulacre de procès, expédié en wagon plombé de Moscou à Irkoutsk, puis obligé, avec 4 000 autres prisonniers, de parcourir à pied et enchaîné 1500 km dans des blizzards glacés jusqu'au camp 303, sur la rive nord de la Lena, près de Yakoutsk, ville imp