Menu
Libération
TRIBUNE

«Rose bonbon», la fiction au pilori

Article réservé aux abonnés
La publication du roman de Nicolas Jones-Gorlin a soulevé critiques et indignation. Un écrivain est avant tout un homme libre d'inventer, et d'affronter son époque.
par Michel BRAUDEAU, écrivain et membre du comité de lecture de Gallimard.
publié le 5 septembre 2002 à 0h52

Plusieurs articles de presse ont associé mon nom à la publication du roman de Nicolas Jones-Gorlin Rose bonbon, qui soulève l'indignation de l'association l'Enfant bleu, laquelle annonce vouloir poursuivre l'ouvrage en justice pour «son caractère pornographique mettant en scène des mineurs». Des journalistes de télévision, des échotiers du microcosme littéraire ont immédiatement emboîté le pas de cet Enfant bleu, avec une hâte et un zèle pour le moins suspects, indiquant l'urgence pour eux de se placer ­ avant tout le monde, si possible ­ dans le rôle de chevaliers blancs de la vertu contre un livre qu'ils avouaient en même temps n'avoir pas lu, sinon par courts fragments. Le livre n'est pas long, pourtant, mais cela traduit bien l'état dévoyé de la critique littéraire en France, qui s'apparente à une chasse aux sorcières à l'aveugle, réclame des bûchers et des piloris et se garde de tout examen.

C'est en romancier avant tout que je tiens à réagir, sans renier d'un pouce mes choix d'éditeur ni mon amitié pour Nicolas Jones-Gorlin. J'ai moi-même publié des livres qui ont pu choquer certains, sans faire l'objet de telles attaques. Et j'ai trouvé cela normal, même si certains commentaires ont pu me paraître sots ou malveillants. En aucun cas du reste je ne me suis plaint. Un écrivain, dans l'idée que je me fais après bien d'autres de la littérature en France, est avant tout un homme libre d'inventer des fictions. Un de ses rôles les plus importants est de traiter des problèmes d