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Libération
Critique

Roth, le vieil homme et l¹Amérique

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Grandeur et décadence d’un brillant universitaire, pendant l’affaire Clinton-Monica, dans un pays en pleine javellisation des esprits.
publié le 5 septembre 2002 à 0h52

Les romans gigognes et circulaires de Philip Roth défient le résumé, résumons malgré tout : la Tache est l’histoire d’un homme qui a un secret. Il a construit ce secret contre tous, pour se sentir libre. Il veut le garder dans une Amérique qui ne supporte pas le secret. Coleman Silk, juif de 71 ans, est un professeur d’humanités en retraite, ancien doyen de l’université d’Athena. Il est musclé, agressif, intelligent, coléreux. Il a été éminent et respecté ; il ne l’est plus. Trois ans plus tôt, alors qu’il donnait encore des cours, il a traité de «zombies» deux étudiants toujours absents. Quelques Noirs et une jeune intellectuelle française pétrie de bonne conscience, d’ambition et de complexes, l’accusent de racisme : les deux étudiants sont noirs, et «zombie», pour les Afro-Américains, est un terme qui les qualifie péjorativement. Silk ignore que ces étudiants sont noirs, puisqu’il ne les a jamais vus, mais peu importe : la presse suit, le scandale arrive. Silk se défend contre «les élitistes égalitaires bien élevés, qui dissimulent leurs ambitions derrière de nobles idéaux». Son épouse meurt pendant le combat. Devenu veuf, il décide d’écrire un livre, Zombies, pour régler ses comptes avec l’hypocrisie moraliste et la médiocrité intellectuelle dont il a été victime. Mais son texte n’est qu’un tissu de fureurs incohérentes. Il fait appel à son voisin, l’écrivain Nathan Zuckerman, double romanesque de Philip Roth aux «mandibules toujours prêtes», pour raconter son his toire.