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Critique

Soviet éponge

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Comment, à travers les pénuries, les purges, le mouchardage et le clientélisme, des millions de Soviétiques réussirent à assurer leur quotidien .
publié le 5 septembre 2002 à 0h52

Parler de «vie quotidienne» dans une Russie disloquée par les purges, les pénuries, bouleversée par la révolution d'Octobre puis par la dictature stalinienne, un pays où les séismes chamboulèrent la rassurante monotonie des jours, représente à coup sûr un paradoxe. Des millions de Soviétiques vécurent ces mutations au quotidien, tentant, contre vents et marées, de s'accommoder aux temps nouveaux. Adaptation délicate, décrite par Sheila Fitzpatrick, historienne américaine réputée, enseignante à l'université de Chicago.

Le quotidien rime d'abord avec pénurie. Les segmentations sociales se fondent, d'abord et avant tout, sur la capacité à accéder au logement et à la nourriture, défi lancé au dogme marxiste qui n'envisageait la société qu'au travers de la production. Or tout manque au royaume de Staline. Les familles partagent au mieux un logement, mais cohabitent souvent dans une seule pièce ­ les Moscovites disposant, par personne, de 4 m2 en 1940. Le pain fait défaut, sans parler de ces biens de luxe que représentent désormais la viande, le poisson, les fruits et les légumes. Trouver vêtements et chaussures relève de l'exploit. Même les équipements collectifs se révèlent défaillants, le luxueux métro de Moscou ne pouvant à lui seul masquer l'indigence des transports collectifs, l'absence d'éclairage urbain, le manque d'égouts. Cette misère contribue à nourrir une délinquance dont pâtissent les centres urbains. Elle amène au règne du blat ­ le piston ­ qui permet d'obtenir le b