La littérature est aussi un sujet de roman. Mais qu'est-ce vraiment que la littérature ? C'est quelque chose que n'aime pas Florence, la narratrice du quatrième roman de la Québécoise Monique Proulx née en 1952 (elle a publié aussi deux recueils de nouvelles, lire Libération du 18 mars 1999). La jeune fille ne cesse pourtant, par son métier (elle crée des sites Internet pour permettre l'accès à la célébrité au plus grand nombre), d'être en contact avec les écrivains. Ça ne l'incite pas immédiatement à plus de respect. «Les écrivains écrivent. Ils érigent des mots contre le vacarme extérieur, chaque mot soulève autour d'eux des pelletées de terre qui masquent peu à peu les fenêtres de la vie ordinaire, et ils écrivent, ils descendent dans les mots, ils s'enfouissent dans le puits de leurs mots jusqu'à trouver chacun leur tranchée secrète, inattaquable, celle de la douleur ou de la transe selon leur tempérament et leur signe astrologique, et dans cette tranchée solitaire et humide ils étalent leur imaginaire et se mettent à fignoler leur édifice.
«C'est comme ça que naissent leurs livres de trois cents pages.
«C'est comme ça qu'ils oublient complètement qu'il y a des gens à l'autre bout du puits, des gens qui lisent leurs livres mais qui ont surtout faim et soif, et peur de mourir sans jamais avoir connu d'amour, et ils ne donnent rien à ces gens-là affamés de vie ordinaire, aucune eau potable, aucune accolade fraternelle, juste leurs mots, leurs mots beaux et glaciaux de palais