Proust, qui prétendit que le seul texte de Zola qu'il avait lu était J'accuse, écrit, alors qu'il a reçu par l'intermédiaire des éditions Gallimard une offre de Jacques Doucet pour acheter entre cinq et sept mille francs de 1922 des manuscrits de la Recherche : «Mais ce qui me fait hésiter c'est que les bibliothèques de ce monsieur doivent à sa mort aller à l'Etat. Or la pensée ne m'est pas très agréable que n'importe qui (si on se soucie encore de mes livres) sera admis à compulser mes manuscrits, à les comparer au texte définitif, à en induire des suppositions qui seront toujours fausses sur ma manière de travailler, sur l'évolution de ma pensée, etc. Tout cela m'embête un peu et je me demande si je ne ferais pas mieux parmi mes dépenses absurdes et inutiles d'en supprimer pour 5 ou 7 mille francs plutôt que de sentir cette indiscrétion posthume.» C'est l'éternelle question de la «critique génétique» qui fonde son travail sur les manuscrits de l'auteur et apparaît comme une sorte de fétichisme érudit, par opposition au fétichisme de midinette des simples fans.
Henri Mitterand et Olivier Lumbroso ne sont pas «n'importe qui» mais des spécialistes de Zola (Henri Mitterand est le maître d'oeuvre de l'édition Pléiade en cinq volumes des Rougon-Macquart dès les années 60). Ce qu'ils publient et commentent aujourd'hui en trois volumes est un fac-similé des Manuscrits originels de 1868 où Zola tâche d'expliciter son projet sans en voir encore lui-même toute l'envergure, les Racines