On croyait que V.S. Naipaul avait fait ses adieux au roman. A plusieurs reprises ces dernières années, l'écrivain britannique a souligné les impasses et les insuffisances du genre, royal au XIXe siècle, mais désormais limité, impuissant à rendre compte de la complexité du monde contemporain. Et pourtant, voici traduit la Moitié d'une vie, roman tout ce qu'il y a de plus romanesque publié en 2000 et annoncé d'entrée comme une «invention», même s'il est visiblement empreint de réminiscences autobiographiques. Les lecteurs familiers de l'oeuvre du prix Nobel de littérature 2001 y reconnaîtront ses variations favorites, sur l'exil et l'écriture, le déracinement et la difficile quête identitaire.
Willie Chandran, un jeune Indien d'une vingtaine d'années, débarque à Londres au début des années 50, en quête de reconnaissance, sinon de gloire: il a décidé d'écrire. Un de ses aïeux était déjà écrivain public, et son père est devenu le héros d'un livre d'un célèbre romancier anglais pour avoir osé rompre avec sa haute caste en épousant une femme de basse condition. En signe de gratitude paternelle et, espère-t-il, de prédisposition personnelle, Willie Chandran a reçu comme deuxième prénom celui de Somerset, celui-là même du grand écrivain anglais. Le jeune Willie, qui écrit des contes depuis son adolescence, finit par publier un recueil de nouvelles sur son Inde natale, qui passe à peu près inaperçu. De quoi décourager le débutant, déjà envahi par le doute et persuadé d'avoir raté son