Voilà bientôt trente ans que Vassilis Alexakis écrit des romans en France, parfois en Grèce, il les écrit en français pour ensuite les traduire lui-même en grec avec le sentiment de pouvoir les améliorer pendant le transfert, sinon il les écrit en grec et les traduit plus tard en français, c'est selon. Les premiers, écrits en grec, Alexakis a voulu les traduire afin que sa mère puisse les lire, mais, dans le même temps elle apprenait le français pour la même raison, aussi, le premier, ils l'ont traduit ensemble. Dans Contrôle d'identité, Alexakis invente un personnage, Paul Dufresnes, né Cocovic, immigré débarqué en France, à qui il fait oublier tout son serbo-croate dans le train entre Troyes et la gare de l'Est, il n'a pas réussi ce miracle pour lui-même, et laissé ses deux langues s'installer en parité dans son écriture (encore que, écrit-il page 30 : «Malgré tant d'années passées en France, je ne sais toujours lire dans le regard des personnes qui ont les yeux bleus»). Il raconte des histoires, il fait partie de ces écrivains au talent de conteur qui ont la délicatesse de craindre l'ennui du lecteur, ils se font devoir de drôlerie, de fantaisie et gardent toujours sous la plume le recours de se moquer d'eux-mêmes. Magiciens modestes, malins et rieurs.
Alexakis a plus d'un tour dans son sac, plus d'une langue dans sa trousse, elles finissent sinon par l'encombrer, du moins par le questionner, comme deux maîtresses partageuses qui admettraient l'autre à la seule condition d